L’argument de base des tenants de l’innocuité des ondes était que pour de prétendues raisons physiques, il ne pouvait pas y avoir d’effets « non-thermiques », c’est-à-dire résultant d’un mécanisme autre que le chauffage et l’augmentation de température. En particulier, il ne pouvait pas y avoir d’effet pro-cancer en-dessous des limites officielles d’exposition.
Mais on sait depuis 2010 que cet argument est erroné. En effet :
– l’étude Interphone, publiée en 2010, a montré sur le plan statistique (sur des humains) un effet pro-cancer sur les utilisateurs « lourds » de téléphones portables (plus d’une heure par jour). Cette étude a forcé l’OMS à reconnaître en 2013 que les radiofréquences étaient un « cancérogène possible ». Il s’agissait d’une étude internationale impliquant de nombreux hôpitaux dans divers pays.
– l’étude Tillmann et al, également publiée en 2010, a montré un effet pro-cancer expérimental (sur des souris, avec une simulation réaliste de la 3G). Cette étude, bien que rejetée en 2013 par l’OMS, a été publiée par l’Institut Fraunhofer (le plus grand organisme de recherche appliquée en Allemagne et en Europe). Très impliqué sur le sujet, cet Institut qui soutenait auparavant la négation des effets non-thermiques a donc changé de position.
Ces deux études, malgré le sérieux reconnu de leurs auteurs, n’ont pas suffi à convaincre pleinement les sceptiques. Elles ont donc été répliquées :
– étude Coureau et al 2014 en France, confirmant l’étude Interphone, http://oem.bmj.com/content/early/2014/05/09/oemed-2013-101754
– étude Lerchl et al 2015 en Allemagne, confirmant l’étude Tillmann et al 2010. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006291X15003988

Ces réplications ont été faites par des équipes qui soit n’étaient pas précédemment impliquées sur le sujet (France) soit soutenaient auparavant la négation des effets non-thermiques (Allemagne). Ces équipes ne peuvent donc pas être suspectées de préjugés allant dans le sens de l’existence d’effets non-thermiques.
Sur le plan scientifique, il est donc parfaitement clair qu’il existe des effets non-thermiques favorisant le cancer en-dessous des limites officielles d’exposition.
Il est cependant insatisfaisant de s’en tenir aux seuls aspects mentionnés ci-dessus. En effet, s’il a fallu plus de 20 ans de recherches sur la téléphonie mobile pour arriver à un début de consensus sur la question, c’est parce que la question est complexe. Les effets pro-cancer mentionnés ci-dessus ont été obtenus dans des conditions expérimentales précises, reproductibles, mais des conditions expérimentales différentes ont pu mener par le passé à des résultats différents, parfois neutres, parfois anti-cancer.
Si une telle variété de résultats a pu être obtenue, c’est parce qu’il y existe une interaction complexe entre les ondes électromagnétiques et le cancer, et non pas une interaction « simple » avec un effet qui serait systématiquement pro-cancer dans toutes les circonstances.
L’effet pro-cancer dans Tillmann et al 2010 et dans Lerchl et al 2015 a été obtenu avec une exposition quasi-permanente large bande, correspondant bien au cas de la proximité d’une antenne-relais. Mais lorsque une exposition similaire à l’utilisation d’un téléphone portable GSM fut utilisée, soit environ 1h/jour à 200 kHz de largeur de bande (Adey et al 1999, Tillmann et al 2007) un effet anti-cancer fut au contraire observé. Et quand une exposition similaire aux fuites d’un four micro-ondes a été utilisée, soit une largeur de bande négligeable, correspondant à la large majorité des plus de 40 études expérimentales réalisées, la plupart des résultats ont été négatifs sauf à très forte puissance, c’est-à-dire que dans les puissances inférieures aux limites d’exposition officielles, aucun effet n’était constaté. Donc sur le plan expérimental, une simulation réaliste avec largeur de bande suffisante est nécessaire pour obtenir des effets à faible puissance, et ces effets peuvent être pro-cancer pour une exposition quasi-permanente (type antenne-relais) ou anti-cancer pour une exposition 1h/jour (type utilisateurs de téléphones portables). En particulier, l’affirmation comme quoi « plus de 40 études sur l’animal ont montré l’absence d’effet sur le cancer des ondes électromagnétiques » est basée sur des études inappropriées (absence de largeur de bande) qui n’ont pas correctement simulé les systèmes de communication numérique et est donc fondamentalement fausse. Parmi les environ 40 études incluses dans le rapport de l’IARC de 2013, seulement 6 utilisaient des transmissions de données numériques aléatoires et avaient donc de la largeur de bande. Chacune de ces 6 études montrait des résultats des résultats significatifs sur le cancer, promoteur du cancer ou anti-cancer suivant le détail de l’exposition.
Le résultat pro-cancer des études Interphone et Coureau et al paraît donc à première vue surprenant au vu des résultats expérimentaux qui tendent plutôt à prévoir un effet anti-cancer sur les utilisateurs de téléphones portables. Il l’est moins si on considère le détail de cet effet. Il est limité à la partie du cerveau qui est du coté ou le téléphone portable est utilisé, et à une utilisation suffisante du téléphone portable. Si on considère une utilisation rare du téléphone portable, un effet anti-cancer apparaît dans ces études, comparé à une absence d’utilisation, conformément à ce que prévoient les résultats expérimentaux. L’effet pro-cancer de l’utilisation lourde sur une partie du cerveau est donc une exception.
Un effet anti-cancer signifie que le système immunitaire devient plus agressif vis-à-vis des cellules cancéreuses, qui ressemblent aux cellules normales de l’organisme. Il est donc logiquement accompagné d’un effet pro-auto-immun, correspondant à l’augmentation de l’agressivité du système immunitaire vis-à-vis des cellules normales de l’organisme, qu’il attaque alors « par erreur ». En effet, la seule étude statistique réalisée (Poulsen et al 2012) a confirmé que l’utilisation d’un téléphone portable augmente le risque de développer une sclérose en plaques ou d’en décéder.
Les faits observés sont plus complexes encore. De nombreux résultats expérimentaux ont été influencés par les ondes électromagnétiques artificielles présentes dans le laboratoire (radio, télévision, téléphonie portable, wifi) que les scientifiques considéraient à tort comme négligeables. Les effets pro-cancer statistiquement confirmés sur l’être humain apparaissent à des puissances très inférieures à celles utilisées pour les expérimentations sur l’animal et sont souvent des effets temporaires lors de l’installation ou de la modification d’un émetteur (Wolf and Wolf 2004, Lauer 2013), même si des effets pro-cancer permanents existent également (Dolk et al 1997, détaillé en annexe de Lauer 2014b). Les effets à long terme des antennes-relais GSM sont en moyenne anti-cancer et pro-auto-immuns (Spinelli et al 2010). Les effets peuvent dépendre du type de cancer, et par exemple les effets sur le cancer de la peau ou ceux sur la leucémie peuvent différer fortement des effets moyens sur les autres cancers.
Complexité ne signifie pas absence d’effet. Que la situation soit complexe ne change rien à l’existence d’effets pro-cancer parfaitement reproductibles sur le plan expérimental. Même si on ne comprend pas ce qui se passe.
Toutefois, pour une juste appréciation du problème, il est hautement souhaitable de comprendre ce qui se passe. C’est ce qui vous est proposé sur ce site.
Pour plus de détails sur les aspects expérimentaux et statistiques concernant le cancer et l’auto-immunité vous pouvez consulter la page « expérimental/statistique »
Pour une approche théorique complète vous pouvez consulter la page Physique/biologie